Luxe, quand tu nous tiens ! La Nef de Charles Quint.

mai, 10, 2008
Sylvain

Encore un post par Caroline

Après le modèle de l’horloge à eau, avec la luxueuse « Clepsydre de Karnak », nous nous intéresserons à un tout autre type d’horloge…Cette fois attardons-nous sur le mouvement mécanique et automate de la « Nef de Charles Quint ». Mais que se cache sous cette énigmatique appellation ? Simplement une horloge…simplement ?

Au sujet de l’horlogerie mécanique, rappelons simplement que le ressort moteur est inventé au milieu du XVe siècle et va progressivement remplacer l’ancien système des poids, mis au point au XIIIe siècle. Par ailleurs, il va permettre une miniaturisation des mécanismes, appliquée d’abord aux horloges puis aux montres.

Autrefois « mécaniciens », les horlogers devinrent « artistes » et s’associèrent à des décorateurs sous la pression d’une clientèle fortunée qui voyait dans ces nouvelles horloges mécaniques, un objet décoratif (et prestigieux car visible) tout autant qu’utilitaire.
Ainsi, durant la Renaissance, la production horlogère est dominée par le type des « horloges de table ». La « Nef de Charles Quint » est bien de ce type et nous sommes ici clairement dans un contexte de luxe, dans des productions de dimensions royales, que dis-je impériales…mais oui ! Rappelez-vous de vos cours d’histoire : Charles Quint (1500-1558 ), Empereur du Saint Empire germanique, Roi d’Espagne et de l’Amérique espagnol, Roi de Sicile et Duc de Brabant qui rêvait de l’unité européenne mais dont l’ambition s’opposait notamment à celle des rois de France, en particulier François Ier : ce furent les guerres d’Italie et en 1525 à Pavie François Ier est fait prisonnier….vous connaissez la suite.

Malgré son appellation, notre horloge n’appartient pas à l’Empereur, néanmoins, on la nomme ainsi car sur le gaillard arrière, Charles Quint, nettement reconnaissable, trône sous un baldaquin conique, richement orné aux armes de l’Empire.
L’histoire de cet ouvrage est difficile à suivre mais il est fort possible qu’elle soit une commande impériale pour un cadeau diplomatique, peut-être à la « Sublime Porte », friande « d’automates à figures » et l’on sait, par ailleurs, qu’elle a été achetée par Edmond Du Sommerard pour le Musée de Cluny en 1857 et qu’elle a été rapportée de l’Inde, sans que cette dernière assertion soit aujourd’hui vérifiable.

Revenons à notre horloge, la nef-automate dite de Charles Quint est conservée au Musée National de la Renaissance à Ecouen (ECL 2739). Elle est anonyme mais généralement attribuée à Hans Schlottheim, maître-horloger en 1576 et horloger des princes germaniques (Rodolphe II et Guillaume V de Bavière lui passèrent commande).
Elle fut produite vers la fin du xvie siècle.
L’horloge automate, montée sur quatre roues, prend la forme d’un navire de guerre armé de onze canons.

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Dans cet ouvrage, où est l’horloge, me direz-vous ?
Elle est tout simplement placée au centre de la nef, à la base du grand mât. Le cadran est émaillé et surmonté de l’aigle impérial. La sonnerie des heures et des quarts actionne deux personnages placés dans le mât central qui frappent chacun une cloche au moment du passage.
Il s’agit de l’un des sept mouvements automates de l’ensemble.
Lorsque le mécanisme est en marche, il imite le rythme du roulis des flots, un orgue joue une fanfare accompagnée de 15 joueurs de trompette et de deux joueurs de tambours. La nef s’anime avec quatre matelots qui tirent sur le foc et les deux vigies des mâts de misaine et d’artimon font le tour de leur nacelle. Charles Quint, et les sept Princes-électeurs qui l’entourent (ceux-là même qui, en 1519, ont élu Charles, fils de Maximilien, Empereur du Saint Empire (romain) germanique) sont également animés. Le dernier mécanisme sert à faire tonner les 11 canons de la nef impériale.
La « nef de Charles Quint » n’innove pas avec ces divers mécanismes, connus par ailleurs sur des nefs produites antérieurement en Allemagne. Par contre, elle est particulièrement innovante dans la complexité du spectacle qu’elle offre puisqu’elle en produit deux successivement.

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Picture: courtesy of Abby Blank